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Septembre 2025

La transparence dans la relation éducative

Entre authenticité et posture professionnelle

Dans un foyer d’accueil, la relation éducative est souvent mise à l’épreuve. Les enfants que nous accompagnons testent, provoquent et cherchent les limites. Certains peuvent aller loin dans le manque de respect, ou rester dans une posture de provocation permanente. Dans ces moments, il m’arrive de choisir la transparence, c’est-à-dire de faire comprendre à l’enfant que, pour l’instant, « je ne peux plus… je ne peux pas faire semblant ».

Un jour, un enfant m’a demandé : « Pourquoi tu es méchant avec moi ? » Sa question m’a marqué. Je lui ai répondu que « méchant » était un mot trop fort, que ce n’était pas le cas, mais que oui, il avait raison de sentir une certaine distance. Je lui ai expliqué qu’il y avait une différence entre Laurent l’éducateur, qui reste présent et ne l’abandonnera pas, et Laurent l’homme, qui peut parfois avoir besoin de mettre de la distance afin de rester vrai.

Cette situation soulève une question essentielle, qui traverse toute notre pratique éducative : jusqu’où peut-on – ou doit-on – être transparent avec les enfants que l’on accompagne ? Pour y répondre, je m’appuie à la fois sur mon expérience quotidienne en foyer d’accueil et sur les réflexions de certains auteurs de référence.

Pour Carl Rogers, l’une des conditions d’une relation éducative de qualité est la congruence, c’est-à-dire l’authenticité de l’adulte. L’enfant sent rapidement quand nous « jouons un rôle ». Être capable de dire « là, j’ai besoin de mettre de la distance », c’est offrir à l’enfant que nous accompagnons un modèle de sincérité et de cohérence. Cela humanise la relation, lui donne de la profondeur et montre que l’adulte n’est pas un être parfait ou infaillible, mais un individu avec ses propres émotions, limites et besoins.
Cela aide l’enfant à développer sa confiance, son empathie, et à comprendre que les relations humaines se construisent dans l’authenticité et le respect mutuel.

Mais à l’inverse, Donald Winnicott soulignait l’importance pour l’adulte d’incarner une certaine fiabilité. L’enfant a besoin d’un cadre stable, de sentir que l’éducateur reste solide même quand il est mis à l’épreuve.

Cette fonction contenante, telle que décrite par Winnicott, est essentielle pour le développement de l’enfant. Elle implique que l’adulte puisse recevoir les émotions parfois violentes de l’enfant sans vaciller, afin de lui offrir un cadre sécurisant. Trop de transparence pourrait, dans certains cas, fragiliser cette stabilité perçue et laisser l’enfant dans une forme d’insécurité affective.

C’est là toute la tension de notre métier. Si nous restons totalement neutres, nous risquons de paraître froids, distants, voire artificiels. Mais si nous nous dévoilons trop, nous risquons de perdre la juste distance professionnelle qui sécurise la relation.

Alors, faut-il être transparent à tout prix ? Ou faut-il contenir ses émotions pour préserver une posture éducative neutre ?

 Je n’ai pas de réponse définitive. Mon expérience me pousse à croire que la clé se situe dans l’équilibre : être suffisamment transparent pour rester vrai, mais suffisamment mesuré pour rester éducateur avant tout.

La transparence, oui… mais une transparence pensée, réfléchie, qui sert la relation plutôt qu’elle ne la fragilise.

Être éducateur, c’est sans doute accepter cette tension permanente entre ce que l’on ressent et ce que l’on transmet. La transparence ne doit pas être une décharge émotionnelle, mais un outil conscient, au service d’une relation éducative authentique et sécurisante.

Mai 2025

Pédagogie et éducation inclusive

Dans mon parcours professionnel, j’ai eu la chance de travailler avec des enfants aux profils très variés : enfants autistes, enfants socialement fragilisés, ou encore confrontés à des carences éducatives. Ces rencontres ont nourri ma conviction profonde que l’inclusion, sous toutes ses formes, est une exigence éthique, humaine et éducative. Elle guide ma posture professionnelle au quotidien.
Il me semble essentiel de distinguer deux dimensions complémentaires : la pédagogie inclusive et l’éducation inclusive.
La pédagogie inclusive vise à adapter l’enseignement aux spécificités de chaque enfant. Elle implique une reconnaissance de la diversité des profils, des rythmes, des besoins cognitifs ou émotionnels. Travailler avec des enfants autistes m’a appris combien il est essentiel de prendre en compte leurs particularités pour leur permettre de progresser à leur manière, sans chercher à les faire entrer de force dans un moule uniforme. Cette adaptation pédagogique n’est pas une faveur qu’on leur accorde, c’est une condition d’équité et de réussite pour tous.
En parallèle, l’éducation inclusive renvoie à une ambition plus large : celle de permettre à tous les enfants, quels que soient leurs parcours ou leurs vulnérabilités, de prendre pleinement part à la vie sociale et scolaire. Il ne suffit pas que l’enfant apprenne : il doit aussi être reconnu, accueilli, et inclus dans un groupe qui le respecte. Cela est vrai pour les enfants en situation de handicap, mais aussi pour ceux en grande précarité ou en rupture avec leur environnement éducatif. Leur isolement, s’il n’est pas rompu, peut accentuer un sentiment de différence et parfois mener à une forme de stigmatisation.
C’est pourquoi je crois que l’inclusion est bénéfique pour tous. Pour les enfants en situation de vulnérabilité, elle est une source de valorisation et de confiance. Et pour les enfants dits « ordinaires », elle est l’occasion d’apprendre à vivre avec l’autre, à comprendre la diversité, à développer une réelle ouverture d’esprit — une valeur qui m’est chère.
En travaillant également dans le champ de la protection de l’enfance, j’ai pu constater que ces principes d’inclusion sont aussi des leviers puissants pour la reconstruction identitaire, pour le rétablissement du lien social et pour la réaffirmation du droit fondamental à l’éducation, dans toute sa dimension humaine.
Mon engagement en faveur de la pédagogie et de l’éducation inclusives s’exprime dans chaque situation d’accompagnement. Que ce soit auprès d’enfants en situation de handicap ou d’enfants en difficulté sociale ou éducative, j’œuvre à créer un environnement où chacun peut trouver sa place, être reconnu, et se sentir en sécurité pour grandir. C’est un engagement de terrain, exigeant et évolutif, mais profondément porteur de sens. Il me permet de contribuer, à mon niveau, à une société plus juste, plus bienveillante et plus ouverte à la richesse des différences.